ARTICLES
 

Handicap et Psychothérapie

3/11/13

   Le handicap est une notion qui ne se laisse pas définir facilement. J'aurais tendance à l'appréhender sous deux aspects : le premier est une limitation des fonctions physiques, sensorielles ou intellectuelles, le second concerne l'inadéquation entre les capacités d'une personne et les caractéristiques de l'environnement où elle se trouve.
   Il existe toutes sortes de handicaps, moteurs, sensoriels, intellectuels, psychiques, d'origines diverses, avec des conséquences multiples. Leur point commun, peut-être, se situe au niveau de la difficulté d'adaptation de la personne au monde. Le handicap crée une souffrance parce que la personne ne peut pas vivre confortablement avec les autres, ni faire les mêmes choses qu'eux. L'enfant handicapé, même très entouré dans sa famille et en institution, est seul face à sa difficulté de faire fonctionner son corps, il aimerait jouer avec la petite voiture là-bas et il ne peut pas se déplacer, il voudrait parler mais ses organes ne sont pas opérationnels et il a du mal à se faire comprendre, il voudrait dessiner mais sa main est malhabile et n'obéit pas aux ordres qu'il lui donne, etc. La personne autiste, même avec un accompagnement rapproché, est seule avec sa difficulté à comprendre le monde des autres, seule avec sa sensorialité particulière, seule avec son empêchement à communiquer.
   Geneviève François disait volontiers qu'une personne handicapée était plus proche de s "réalité transcendante". Elle écrivait : "La transcendance, c'est un terme qui signifie qu'une personne est ce qu'elle est , et beaucoup plus que ce qu'elle est. Cela signifie que, même diminuée dans sa dimension physique, même handicapée, une personne conserve sa qualité transcendante, qui en fait une personne à part entière." Lors d'une conférence donnée en Décembre 2001, elle expliquait :"A notre naissance, nous devenons dépendants des outils de notre corps physique. Ces outils ont leurs avantages et leurs limites. Leurs avantages, c'est qu'ils sont adaptés à la connaissance du monde qui nous entoure. Leurs limites, c'est qu'ils nous font perdre le contact avec l'état de conscience je dirais "total" que nous connaissons avant notre naissance. Mais les personnes dont les outils du corps sont déficients conservent mieux que les autres le contact avec l'autre conscience."
   Dans un article paru dans Psychanamour n°22 (Mars 2000), elle précisait sa pensée : "Les personnes handicapées nous font découvrir que les êtres humains ont tous deux modes de conscience à leur disposition : une conscience cérébrale, liée au fonctionnement du cerveau, et une conscience que nous appellerons transcendante car elle est d'une autre nature que la conscience cérébrale. A la naissance, la conscience transcendante se met en veilleuse pour nous permettre de nous installer dans notre conscience cérébrale, ceci afin que nous puissions appréhender le monde dans lequel nous arrivons. Plus une conscience a besoin de "place", plus l'autre se met en retrait. Si bien que les êtres qui sont empêchés d'entrer en possession de leur conscience cérébrale fonctionnent sur le mode de leur conscience transcendante." Elle ajoutait : "Françoise Dolto entrait en relation avec les bébés sur le mode de leurs conscience transcendante."
   La psychothérapie peut s'occuper des deux consciences; Ce qui déterminera l'orientation psychothérapeutique sera la demande du patient. Souvent, la personne handicapée est en souffrance par rapport à son handicap, au fait qu'elle ne peut pas faire ce qu'elle souhaiterait faire avec les outils de son corps. Le psychothérapeute est là pour accompagner cette souffrance, pour qu'elle puisse se dire, s'adoucir et finir par s'accepter. L'acceptation suppose que non seulement on fasse le deuil de ce qui ne sera jamais autrement, mais également que l'on arrive à donner un sens à cette souffrance due au handicap. En cela, la psychothérapie avec une personne dite handicapée n'est pas différente de celle avec une personne dite normale : il s'agit bien d'amener tout un chacun à accepter sa vie là où elle en est et à lui donner un sens, quels que soient les renoncements et les deuils qui habitent cette vie.
   La difficulté que rencontre parfois le psychothérapeute peut se situer au niveau des moyens d'expression de la personne handicapée. Certaines n'ont pas accès à un langage articulé, ou alors difficilement compréhensible. D'autres ont des difficultés pour conceptualiser les sensations qu'elles ont par ailleurs. Il ne s'agit pas de renoncer pour autant. Toute personne a le droit de pouvoir travailler sur elle-même, et ce serait bien cruel de la part d'un thérapeute de rejeter une personne en demande thérapie sous le prétexte qu'elle n'a pas les moyens physiques de la suivre. Les psychothérapeutes chérissent la parole, c'est un fait, elle constitue leur outil de prédilection, mais il est de notre devoir, je crois, de nous adapter à toute personne, là où elle est, pour l'accompagner sur le chemin d'une vie plus sereine avec elle-même.
   Il existe des outils, des moyens de pallier au manque de langage. L'objectif de cet article n'est pas de les détailler, mais d'insister sur l'opportunité de les utiliser pour pouvoir accompagner la personne en souffrance si celle-ci ne maîtrise pas la parole. Toute personne humaine doit avoir le droit de suivre une psychothérapie.

Partagez sur les réseaux sociaux

Commentaires :

Laisser un commentaire
Aucun commentaire n'a été laissé pour le moment... Soyez le premier !



Créer un site
Créer un site