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Le respect de l'enfant

19/5/13

Respecter l'autre, c'est accepter qu'il soit différent de nous. Accepter ses goûts différents, ses désirs différents, ses opinions différentes. Respecter l'autre, c'est accepter que notre "moi" s'arrête à notre personne. Je suis qui je suis, l'autre est ce qu'il est. Cela n'empêche pas la discussion, mais cela doit empêcher  la prise de pouvoir sur de l'un sur l'autre.
Aucun être humain n'est supérieur à un autre, n'est-ce pas? L'homme blanc ne domine pas l'homme noir -l'esclavage était une aberration révoltante qui n'a duré que trop longtemps et qui, heureusement, est aboli. L'homme ne domine pas la gemme, même si certains ont parfois tendance à le croire... L'Européen n'est pas supérieur au Chinois, ni réciproquement. Etc. Etc. Etc.
Les êtres humains sont différents les uns des autres. Ils n'ont pas forcément les mêmes religions, les mêmes aspirations, les mêmes façons de voir la vie. Ils ont appris à cohabiter, et s'ils veulent le faire en paix, le mieux qui ait été inventé est le respect de chacun.
Quand je dis "le mieux", je veux dire : "le mieux pour tout le monde". Il existe, hélas, de par le monde, beaucoup de peuples qui vivent sous le joug d'une autre partie de la population, voire d'un seul homme. Je pense aussi aux femmes dans certaines civilisations, qui n'ont pas le droit d'exister par elles-mêmes, pour elles-mêmes, et cela est dramatique. Cela est scandaleux, autant que pouvait l'être l'esclavage. Car cela signifie que ces humains n'ont pas le droit de vivre leur vie d'humain, que leur appartient à quelqu'un d'autre qu'eux-mêmes. Comment accepter cela?

Le respect de l'enfant est du même ordre. Ce n'est pas parce qu'il est petit que l'enfant est un être inférieur, un "sous-humain". Il n'appartient pas à ses parents. Une vie ne peut appartenir à une autre. Me reviennent à l'esprit les écrits de Khalil Gibran dans son magnifique recueil Le Prophète :
"Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés."

L'enfant est un être en lui-même, indépendamment des adultes qui sont près de lui.
En cela, l'enfant doit être respecté.

Il est important qu'il soit également respecté dans ses besoins. Ceux-ci ne se limitent pas à ceux de la survie, la nourriture, le sommeil, l'air respirable, mais ils comprennent aussi ceux qui ont trait à son statut d'enfant : l'apprentissage des règles de sécurité, de vie en société, l'encouragement à sa créativité, à sa découverte du monde, aux jeux, l'amour inconditionnel, la tendresse, et puis, tous les apprentissages divers, de la lecture à l'épluchage des haricots verts, en passant par la reconnaissance des herbes qui se mangent à différencier de celles qui peuvent empoisonner, des animaux sympathiques et de ceux qui le sont moins, le réseau de transport en commun de sa ville, etc. Les apprentissages sont nombreux, pour un enfant. Ce qui est important, c'est de considérer qu'il ne sait pas tout d'emblée, qu'il va lui falloir du temps pour apprendre - et les parents, les éducateurs (instituteurs, etc.), sont là pour ça.
Ce qui est important, c'est aussi de considérer que ce n'est pas parce qu'il ne sait pas tout qu'il doit être dominé. Peut-être que sa méconnaissance des règles de sécurité amène le parent à le protéger, bien sûr, mais cela ne doit pas être une excuse pour lui dire ce qu'il doit penser, ce qu'il doit éprouver, ce qu'il doit dire. L'enfant est un être à part. Sa pensée, son émotion, sa parole, lui appartiennent.
Le parent doit apprendre à l'enfant à maîtriser son langage, mais ne doit pas maîtriser lui-même le contenu de celui-ci. C'est l'enfant qui habite sa parole. Et cela est fondamental pour un développement optimal de celui-ci. L'enfant doit pouvoir parler, et surtout il doit pouvoir être écouté, entendu, accepté, dans ce qu'il dit. Même si ce qu'il dit dérange ou ennuie.
Un enfant écouté est un enfant qui prend confiance en lui. Il va apprendre peu à peu, grâce à ce feedback, qui il est, ce qu'il ressent, ce qu'il pense. S'il était seul, s'il n'avait pas le langage pour s'exprimer, cela serait terriblement plus compliqué pour lui de se connaître lui-même.
Est-il utile ici de rappeler combien est délétère le comportement des parents qui interviennent pour faire taire l'enfant, l'empêcher d'exprimer une douleur ("mais non, c'est rien du tout!") ou une angoisse ("mais enfin, tu vois bien qu'il n'y a pas de monstre sous ton lit!"), ou l'empêcher tout court de parler parce que "les adultes parlent, et ça, c'est important!" Ce sont de telles attitudes qui relèvent de ce que Ferenczi appelait des traumatismes, parce que chacune d'entre elles peut provoquer ce qu'il nommait "une commotion psychique" qui peut  elle-même "engendrer un choc" ( Réflexions sur le traumatisme, Psychanalyse IV). Il s'agit de toutes les vexations, humiliations, injustices, que peut recevoir un enfant et sur lesquelles s'appuieront ses souffrances de vie futures, au minimum névrotiques.

Respecter un enfant, l'écouter, le considérer, c'est lui permettre de devenir un être humain épanoui.

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