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La psychanalyse n'est pas dans l'air du temps

26/11/17

Aujourd'hui, il semble bien que les thérapies psychanalytiques – et la bioanalyse en fait partie – ne sont pas dans l'air du temps. Ce n'est pas seulement qu'elles ne sont pas « à la mode », c'est qu'elles sont en désamour, en désinvestissement, pour des raisons plus profondes, me semble-t-il.

 

Bien sûr, il y a eu toutes les attaques en règle ces dernières années contre l'homme-Freud, qui aurait triché sur beaucoup de cas cliniques qu'il a pu rapporter, qui avait les faiblesses de son humanité malgré le génie qui a pu être le sien, qui était sans doute un « vilain bonhomme », comme a pu le dire ma formatrice Geneviève François. Mais Freud en lui-même ne représente pas la psychanalyse – excusez le crime de lèse-majesté ! Il faut lui reconnaître le mérité d'avoir tenté de débroussailler une jungle inconnue, même s'il a sans doute bien souvent manqué d'humilité dans cette œuvre et refusé d'entendre d'autres voix, pourtant pleines de sagesse (je pense par exemple à Jung et à Ferenczi). La psychanalyse représente une grande famille, avec toutes les tensions qui peuvent vivre à l'intérieur d'une telle organisation… Le problème n'est pas là.

 

Le problème est, me semble-t-il, inhérent à la méthode même de la psychanalyse, tellement différente de ce qui est préconisé dans notre société. Roland Gori nous alerte depuis quelque temps déjà sur le fait que nous sommes passés d'une société fondée sur le récit et la parole (dans laquelle la psychanalyse avait toute sa place) à une société de l'information et de l'évaluation. On demande au savoir de se convertir en chiffres ; on demande aux thérapies de montrer des pourcentages de guérison. Mais que signifie « guérison » lorsqu'il s'agit de cheminer vers sa propre vérité ? De quoi s'agit-il de guérir ????

Et comment chiffrer les pas que l'on fait vers soi ?

 

Il n'y a plus, dans notre société d'instantanéité de l'information, de temps pour l'appropriation , pour la réflexion, pour la métabolisation de ce que l'on apprend ou ce qui nous arrive. Nous sommes bombardés d'informations, qui se succèdent à toute allure, sans que l'on ne prenne le temps de penser dessus. Au mieux, nous réagissons.

Ce culte de l'instantanéité est aussi présent dans les demandes de thérapies. Ce n'est pas pour rien que les thérapies cognitives et comportementales ont le vent en poupe, car la demande est à l'élimination du symptôme. Pas à la compréhension de celui-ci. Dans une perspective analytique, le symptôme est pourtant la porte d'entrée vers la vérité du sujet… Il semble que ce ne soit pas cette vérité qui est recherchée.

De la même façon que les informations d'ordre économique, politique, sociétal, nous arrivent et se succèdent sans que nous ne nous arrêtions dessus pour prendre le temps de la réflexion et de l'analyse pour y voir clair sur le monde dans lequel nous vivons, de même les informations d'ordre médical, moral, relationnel, nous concernant nous échoient sans que nous ne prenions le temps de réfléchir et d'analyser ce qui se passe en nous.

Nous ne prenons plus le temps de penser.

 

Et pourtant, nous ne sommes pas qu'un comportement. Aucun être vivant ne se résume à son comportement. Il y a en nous une richesse qui ne demande qu'à être explorée, une souffrance qui ne demande qu'à être allégée, un chemin qui ne demande qu'à être défriché.

Devant quelqu'un de toujours pressé, mon arrière-grand-mère disait : « il veut arriver à la Bonne Année avant les autres » - mais la nouvelle année arrive à la même date pour tout le monde et courir ne la fait pas arriver plus vite… De même, courir après sa vie ne la fait pas se réaliser plus vite, au contraire même.

Se réaliser en tant qu'humain suppose de prendre le temps de se connaître soi-même, pas seulement d'éliminer ce qui ne nous plait pas en nous. C'est à cela qu'invitent les thérapies psychanalytiques.

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