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L'équilibre est un challenge

17/9/17
1 commentaire

L'une des grandes difficultés de la vie est l'équilibre.
C'est un but en soi, un but sans cesse remis devant soi, comme un horizon qui s'éloigne quand on croit s'en approcher.
Équilibre entre l'intime et le social, entre ce qui nous fait du bien, intimement, et ce qui nous fait du bien, socialement - entre
nos besoins égoïstes et nos besoins altruistes. Entre notre être intime et notre être extime.
Équilibre également entre ce qui fut notre passé, les cicatrices, les atouts, et ce qui nous pousse vers l'avenir, entre ce qui nous freine et ce qui nous pousse, entre les désirs et les traumatismes.
Entre ce que l'on a attendu de nous (que l'on attend toujours, parfois) et ce quoi nous aspirons.
Équilibre délicat, s'il en est, entre notre nature et notre environnement - autrement dit parfois, entre l'inné et l'acquis.
Équilibre aussi, moins évident, moins acceptable, entre nos pôles moraux. L'un lumineux, "positif", ouvert, tolérant. L'autre plus sombre, plus belliqueux, plus replié sur soi. Entendre l'existence de cette ombre, c'est aussi reconnaître la lumière du premier. L'humanité que l'on a en soi témoigne forcément de ces deux facettes.
Eros et Thanatos cohabitent en nous.
Le yin et le yang du Tao.
Au niveau de sa vie personnelle, l'équilibre entre toutes les facettes est extrêmement délicat à obtenir  : que ce soit au niveau professionnel, familial, amical, social, personnel - parfois même les mondes s'interpénètrent, on ne sait trop sur quel territoire on met les pieds et il est bien difficile d'y voir clair. La difficulté est bien sûr augmentée par le fait que l'on recherche la perfection partout, être le meilleur parent possible, le meilleur professionnel, le meilleur ami, le meilleur voisin - et puis aussi avoir pour soi la meilleure vie possible.
Au niveau thérapeutique aussi, on voit ces deux pôles. Il y a, schématiquement, la psychanalyse, qui va s'attarder sur notre rapport de nous à nous, les dynamiques internes, les désirs et les frustrations - et puis les thérapies plus comportementales qui "traitent" notre relation au monde extérieur, nos réactions, notre comportement. Bien sûr, le monde intérieur influe sur le monde extérieur, et réciproquement - c'est l'interface considérée (et l'importance accordée) qui fait la différence dans l'approche de ces thérapies - enfin, très schématiquement!!

Lorsque je suivais mes études d'ergothérapie, nous avions un professeur de cinésiologie qui nous avait longuement parlé de la marche, nous sensibilisant au fait qu'elle était une suite de déséquilibres. En d'autres termes, si l'on veut être en équilibre, il convient d'être immobile. C'est déjà un état difficile à acquérir - j'ai la vision des yogis pouvant tenir la posture de l'arbre pendant des heures, ce qui n'est pas donné à tout le monde...
C'est un état qui peut parfois semble enviable, notre vie n'étant souvent qu'une course perpétuelle dans laquelle nous nous perdons.
Mais l'immobilité n'est pas la vie. L'être humain est un être qui marche, qui est en déséquilibre permanent. Il demeure, il est vrai, que ce déséquilibre se doit d'être maîtrisé sous peine de chuter, et c'est cela qui rend l'équilibre de vivre si délicat.
Parfois, en avançant ver soi - et nombre de personnes en thérapie peuvent en témoigner - c'est la vie en couple qui est remise en question. Car là aussi, l'équilibre est interrogé; il y a des couples qui n'existent que parce que l'un des protagonistes s'est oublié au profit de l'autre (je ne parle pas ici de l'amour, qui est vraiment un autre sujet, mais de l'équilibre de la vie à deux). Il n'y a cependant pas que la thérapie qui peut remettre en question l'équilibre d'une vie. Toute perte, par exemple, compromet fortement cet équilibre (perte d'un proche, d'un enfant, d'un parent, d'un emploi, d'un domicile, d'un ami...). Même un acte non subi, un choix, fait en toute conscience et rempli de son désir, peut faire s'ébranler les bases de notre vie.
C'est à présent qu'il nous faut parler de "racines". Ce concept pourrait nous parler contradictoire, car les racines semblent
 antinomiques avec l'idée de marcher, d'aller, de progresser. Et pourtant ce sont elles qui nous y aident. Les racines qui plongent au coeur de notre nature, non seulement de notre famille, de notre passé (savoir d'où l'on vient est notre fondement), mais aussi de nos désirs, de nos élans, de nos passions (savoir là où on veut aller est ce qui pousse à aller). Je parle de racines aussi sur ce dernier point, même si pour reprendre l'image de l'arbre, il s'agirait plutôt de branches, car ces désirs sont souvent bien cachés, enfouis, difficilement accessibles sans un travail sur soi comme celui que propose la bioanalyse.

En résumé : se connaitre pour tenter d'aller vers l'inconnu, plonger vers le moteur du désir malgré les ténèbres si proches, ne rien occulter de celles-ci pour oser la lumière, regarder ses souffrances en face et espérer trouver la joie, poser un pied devant l'autre sans ignorer le vertige du monde - c'est le grand challenge de la thérapie.

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Commentaires :

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  • Christian Schvartz dit :
    17/9/2017 à 22h 56min

    Ton analyse est très pertinente Luce ! J'adhère tout à fait. Mon histoire personnelle, assez douloureuse, fait de moi un être en équilibre instable, alors que je voudrais tant que cet équilibre soit stable... je pensais que ma cure psychanalytique m'apporterait cette stabilité, mais non, et je comprends pourquoi ! L'équilibre stable, c'est la mort... j'avoue qu'elle m'a tenté quelques fois, malgré mon amour de la vie. Bisous, Christian.




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